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Photos nature et vie sauvage - Wildlife pictures
25 septembre 2013

La quête de l'ibérolacerta...

Certains partent en quête de l’oiseau du temps, d’autres d’un lieu pour détruire un insignifiant anneau. En ce qui me concerne, je suis parti cet été en quête de l’Iberolacerta bonnali, une bête mythique, impressionnante, spectaculaire, sensationnelle, et qui ressemble diablement à un banal lézard des murailles…

Tout a commencé il y a quelques années, lorsque je suis tombé sur la page des Ibérolacertas (3 espèces au total), soit en tout et pour tout ½ page dans le guide herpéto. Et encore, l’une des espèces était encore considérée comme une sous-espèce. Et le guide datait pourtant de 2002. Je m’étais dis à l’époque : « voilà bien d’agitation pour un lézard qui ne ressemble à rien » (des herpétos de ma connaissance avaient campé à l’époque des jours en montagne pour étudier ce lézard). Et je m’étais aussitôt intéressé aux lézards géants des îles Canaries, bien moins modestes, d’autant plus que j’y allais le mois suivant.

L’envie d’en savoir plus sur ces espèces est venue à la lecture du PNA (Plan National d’Actions) rédigé en 2013 par Gilles Pottier. Pour la petite histoire, ces lézards n’ont été décris qu’en 1993 (I. aranica), 1994 (I. aurelioi) et 1927 pour le Lézard de Bonnal. Dire qu’à la fin de XXième siècle il y avait en France (et pas au fin fond de la Papouasie Nouvelle-Guinée, hein !) encore des espèces inconnues !

Je me suis alors rendu compte, à la lecture du PNA, qu’Iberolacerta bonnali était présent dans les quelques vallées autour de Bagnères-de-Luchon, lieu de mes vacances estivales 2013. Aussitôt dit, aussitôt programmé : j’allais profiter de ces vacances pour partir à la rencontre du Lézard de Bonnal !

Défi naturaliste (découverte d’une espèce qui m’est inconnue), défi photographique (dur de magnifier un lézard qui ressemble comme deux gouttes d’eau au lézard des murailles), et surtout défi physique… En effet, ce petit lézard n’est présent dans les éboulis qu’au-delà de 1 500 m d’altitude, avec les plus fortes populations comprises entre 2 000 et 2 800m d’altitude… Il va donc falloir monter le matériel photo sur le dos.

Ma première destination sera le pic de Céciré, qui domine la station de Superbagnères. 600 m de dénivelés, un bon chemin, bref l’idéal pour une mise en jambes. Sauf que ce pic ne semble jamais avoir été prospecté par les herpétologues, et qu’aucune donnée de l’espèce n’y est renseignée… Tant pis, je tente quand même, mais sans trop d’espoirs, surtout en fait pour la balade. Et effectivement, aucun habitat favorable à l’espèce au sommet, ni sur les versants facilement accessibles. Un seul éboulis, sur la face est, est plutôt favorable, mais inaccessible par le côté par où je suis monté. Heureusement, plusieurs lézards vivipares font le spectacle dans les hautes herbes sous le sommet, puis un Gypaète barbu vient me saluer, planant majestueusement à la recherche d’un cadavre (de mouton faut-il espérer).

Vue sur Superbagnères depuis le Pic de Céciré et lézard vivipare :

PAWLOWSKI_Paysage (8)

PAWLOWSKI_lezard vivipare (2)

 

 

 

 

 

 

 

Fort de cette déconvenue, je décide de monter aux étangs de la Frêche, à partir de l’Hospice de France (au sud-est de Luchon). 750 m de dénivelé, mais une montée régulière et pas trop difficile, mis à part le dernier raidillon qui fait mal aux mollets. Superbe météo, je suis sur place un peu avant 9 h, et profite du réveil de la montagne (marmottes, craves, traquets motteux, rougequeues noirs…). Les premiers reptiles à s’agiter sont des lézards vivipares, décidément bien nombreux dans le secteur. Par contre l’éboulis que j’ai choisi reste très tranquille. Tellement tranquille que je prends tout d’abord le furtif mouvement lointain pour une araignée, dont de nombreux comparses hantent les éboulis à cette heure matinale, profitant des premiers rayons de soleil. Par dépit, je jette un coup de jumelle sous le bloc incriminé, et entraperçoit un lézard. Tellement furtivement que je n’arrive pas à statuer sur l’espèce : lézard de Bonnal, ou bien simple lézard des murailles ? Je décide donc de ramper dans l’éboulis (vive les genouillères !) pour m’approcher. Rien n’y fait, ce lézard reste obstinément à plus de 10 m de moi, se jouant des blocs branlants. Un instant de thermorégulation me permet de confirmer l’Ibérolacerta ! Exit donc le lézard des murailles, j’observe pour la première fois l’espèce… Mais observation frustrante, car lointaine, et aucune photo potable. Je me venge donc sur les tourbières, immortalisant linaigrettes, orchidées, papillons et jeunes imagos de grenouilles rousses, innombrables autour des étangs.

PAWLOWSKI (10)

PAWLOWSKI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAWLOWSKI (8)

PAWLOWSKI (9)

 

 

 

 

 

 

Destination suivante : la vallée d’à côté, les Boums de Venasque, toujours au départ de l’Hospice de France. Ce secteur est connu pour être un très bon spot pour le lézard de Bonnal. J’y monte donc tout guilleret, Météo France prévoyant un superbe temps à partir du milieu de la matinée. Je ne m’inquiète donc pas trop en voyant une chape nuageuse à partir de 1 700 m. Tant mieux, j’aurais moins chaud pour les 1 000 m de dénivelés qu’il faut gravir… Sauf que les gars du service des prévisions de Météo France avaient dû fumer un truc vraiment puissant, car l’amélioration tant attendue n’est jamais venue. J’ai donc passé une grande partie de la journée dans le brouillard épais (parfois moins de 20 m de visibilité), les températures n’ayant jamais excédé les 6°C. Donc autant dire que les lézards sont restés bien au chaud sous leur couette…

PAWLOWSKI (6)

PAWLOWSKI_Paysage (4)

 

 

 

 

 

 

 

Pour le coup suivant, je sais d’entrée que la météo sera loin d’être optimale. Je décide tout de même de monter dans le Val d’Esquierry, au départ des Granges d’Astau (commune d’Oô). 1 100 m de dénivelés hyper raides et casse-pattes, en direction du lac de Sadagouaus, juste au-dessus du col d’Esquierry. Malheureusement, les nuages sont bien là, et comptent bien y rester, aussi je ne vais pas plus loin que le col, pour des raisons de sécurité (visibilité n’excédant parfois pas 10 m). Dommage, plusieurs éboulis ont l’air prometteur, mais la température est décidément trop froide (pour ne pas dire glaciale). J'en profites pour immortaliser quelques chardons bleus très esthétiques.

PAWLOWSKI_Paysage (13)

PAWLOWSKI_Chardon bleu (2)

 

 

 

 

 

 

 

Dernier spot dans le Luchonnais, je décide de monter au-dessus du lac d’Espingo, toujours au départ des Granges d’Astau, avec le secret espoir d’aller prospecter le Val d’Arrouge, localité connue pour abriter l’espèce. Malheureusement, la poisse me colle aux basques, et une chape nuageuse d’altitude m’oblige à stopper au lac d’Espingo, où je fais une belle observation de salamandre. Quand une salamandre se balade tranquillement en plein jour, il ne faut pas être sorcier pour savoir que vous risquez de rentrer bredouille au niveau reptiles… Par chance, quelques heures de soleil vont faire sortir une multitude de lézards vivipares, avec lesquels je ferais de belles séances photo. Il faut bien se consoler avec quelque chose… Mais les températures restent fraîches, un peu de vent souffle, et j’ai beau chercher la vipère aspic sous-espèce zinnickeri, je reste là aussi sur ma faim…

PAWLOWSKI_Paysage (15)

PAWLOWSKI_salamandre (2)

 

 

 

 

 

 

 

Par désespoir, je décide de faire quelques kilomètres en voiture (et de passer 2 cols mythiques du Tour de France : Azet et Peyresourde), et d’aller sur des spots « archi super connus », dans la réserve naturelle du Néouvielle. Je passe la matinée dans le vallon d’Estaragne, où a eu lieu il y a quelques années une étude génétique et de CMR (Capture Marquage Recapture) par une équipe du CNRS de Montpellier. Et là, j’observe assez rapidement plusieurs lézards, mais encore une fois assez farouches. Je décide donc de me cantonner aux pourtours de l’éboulis, afin de pouvoir être plus mobile et discret. Et ça ne loupe pas. Au bout d’une heure de recherche, premier lézard de Bonnal en thermorégulation. En progressant lentement, la bestiole se laisse approcher à portée d’objectif. ½ h de cache-cache plus tard, j’ai enfin des photos sympa !

PAWLOWSKI_Lezard (2)

IMG_2138

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je passe ensuite l’après-midi sur un autre spot bien connu : le barrage du lac d’Aubert. Et effectivement, les lézards se laissent approcher à quelques dizaines de centimètres, mais le plein après-midi et ses lumières dures ne seront que peu favorables à la photo animalière. Qu’à cela ne tienne, j’aurais fait de superbes observations ! Et profité du fait que le lézard de Bonnal est ici en sympatrie avec le lézard des murailles, même si les deux espèces ne fréquentent pas les mêmes secteurs du barrage. Vraiment bizarre, cette ségrégation locale…

Je termine ma journée au Néouvielle par un tour touristique du lac d’Aumar, vraiment de toute beauté.

PAWLOWSKI_Lezard

PAWLOWSKI_Neouvielle (5)

 

 

 

 

 

 

 

Pour conclure, on peut dire que :

-          j’ai manqué de chance avec la météo pour 3 des destinations prévues,

-          les 2 spots du Néouvielle sont vraiment de bons spots,

-          la recherche de ce lézard, ça fait les mollets et ça maintien en forme (pas loin de 5 000 m de dénivelé positif en 6 randos, avec 10 kg de matériel sur le dos) !

En bonus, une photo d'un "bête" lézard des murailles :

PAWLOWSKI_Lezard des murailles

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  • Blog de Frédéric Pawlowski, ornithologue et naturaliste, photographe, amateur de voyages et de balades naturalistes. Photographe amateur distribué par l'agence Biosphoto, officie principalement dans le sud de la France, en PACA.
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